Les masques tombent et la bouche fait un comeback

   As-tu remarqué que, depuis peu et avec une concomitance finalement peu surprenante, les masques chirurgicaux étaient tombés et les bouches esquissaient une sensualité nouvelle ?

Il est facile de se moquer de nos ancêtres qui, avec une fougue non dissimulée, se délectaient à la vue d’une simple cheville ou de clavicules naissantes. Nombre d’oeuvres, films, romans, photographies, nous montrent à quel point certaines parties du corps furent, jadis, considérées comme de vrais catalyseurs érotiques.

Lorsque, au début du film Les Visiteurs, nous découvrons le Roi de France aussi excité qu’un gosse la veille de Noël demander à une noble anglaise de relever sa robe progressivement de la cheville jusqu’au genou, il n’est possible, pour le téléspectateur du XXIème siècle, que d’esquisser un franc sourire tant la scène lui semble grotesque.

 

Louis VI le Gros lorsqu'il contemple les chevilles nues de la princesse Kathlyn dans "Les Visiteurs"

Il est vrai que pour nous autres, citoyens récemment promus au rang d’Homo Modernus, biberonnés aux magazines Playboy pour les anciens ou aux pornos Brazzers pour les plus juvéniles, contempler la pétulance qu’une simple cheville peut déclencher chez un homme a de quoi laisser dubitatif. À l’heure où plus grand chose ne choque, où le moindre bout de peau est destiné à se faire contempler par qui le veut, je comprends bien que chaque partie du corps ne pouvant répondre du nom (ou assimilé) de “boobs” ou “pussy” laisse indifférent n’importe quel homme du siècle normalement constitué. Nous observons ici le résultat des dernières décennies, où les femmes, marchant lascivement sur le chemin du progrès, laissèrent tomber derrière elles au rythme de leurs pas et avec négligence quelques-uns des morceaux de tissu couvrant leur épiderme.

Tant et si bien qu’aujourd’hui, nous pouvons voir des jeunes filles se balader dans la rue en crop top, la ficelle d’un string dépassant du pantalon ou encore en legging dessinant un camel toe assumé. Loin de moi l’idée de juger notre époque dans ce texte, je ne fais que poser un constat. Ce même constat qui provoque chez moi la surprise. Je me demande, en effet, comment il est possible d’être tout autant gorgé de libido que nos aïeux lorsque l’on sait que l’inaccessibilité et la dissimulation sont deux vecteurs extrêmement importants dans la naissance et l’entraînement du désir sexuel chez l’être humain.

Camel toe et crop top
 
Bref, je m’égare. Je viens donc de dire que depuis un moment, la peau des femmes se familiarise davantage aux caresses du vent et que les hommes ont été habitués, au fil des générations, à admirer de plus en plus librement et publiquement ces parties du corps autrefois cachées.

À l’aube de 2020, un évènement planétaire vint quelque peu chambouler cette folle ascension en popularité du dépouillement vestimentaire. En effet, pour la première fois depuis des dizaines d’années, nous avons observé l’exact opposé de ce que je viens de décrire, à savoir l’ajout inopiné d’une pièce quelque peu excentrique à nos garde-robes.
 

 

Le masque chirurgical et toutes ses variantes nous musèlent depuis maintenant deux ans, si bien que la moitié basse des visages des personnes que l’on rencontre dans la rue ou même au travail ont tout simplement disparu de notre champ de vision. Ce simple masque à l’apparence anodine a quand même permis de soulever des questions très intéressantes dans le champ de la séduction. Pourquoi, par exemple, trouve-t-on les gens plus beaux lorsqu’ils sont masqués (une récente étude l’ayant prouvé) ? Ou est-ce qu’une personne masquée est perçue comme étant moins abordable qu’une personne au visage découvert ? À titre personnel, c’est une toute autre observation qui vint à mon esprit. Quelques jours après la décision du gouvernement de rendre optionnel le port du masque dans les lieux publics (14 mars), je me suis rendu compte que les bouches féminines (je vous présente mes excuses quant à mon observation incomplète, j’écris ici à travers le prisme d’un homme hétérosexuel, il serait intéressant d’obtenir le témoignage de femmes ou de personnes homosexuelles) revêtaient un caractère différent qu’à l’accoutumée.

 

Je n’ai pas réussi, d’abord, à identifier ce qui clochait chez ces femmes me parlant dorénavant à lèvres découvertes, et puis j’ai compris. Ce bout de tissu bleu avait, depuis plus de deux ans et de façon consistante, caché à mes yeux un organe habituellement on ne peut plus remarquable. Ainsi dissimulé puis révélé, la bouche des femmes s’était tout à coup dotée d’une force érotico-sensuelle plus intense mais aussi plus subtile que jamais. Qu’on soit bien clair, les lèvres ont, de tout temps, revêtu chez les hommes comme chez les femmes une symbolique libidinale particulière. Plus que tout autre partie du visage, c’est la bouche qui est la plus chargée sexuellement et l’avoir masquée n’a fait qu’exacerber son potentiel érotique basal. Ainsi, malgré mes efforts, je n’ai pas réussi à faire naître chez moi la même attirance érotique pour les nez, eux aussi fraîchement découverts. Enfin, j’ai remarqué que le rouge à lèvres, cet apparat ancestral, m’apparaissait maintenant comme quelque chose de presque original mais surtout de nettement plus séduisant qu’auparavant. En clair, depuis la tombée des masques, les lèvres des femmes et leur mise en valeur produisent sur moi un effet bien plus franc.


Je trouve ce phénomène très intéressant et, même si il ne constitue qu’un cas isolé à travers mon ressenti subjectif, je suis persuadé de ne pas être seul à l’avoir remarqué, ne serait-ce qu’inconsciemment. S’il s’agit réellement d’un fait général, on est tout de même en présence d’un cas extrêmement révélateur du fonctionnement de la psyché et de la cognition sexuelle humaine. L’inaccessible serait désirable, l’on pourrait ainsi donner une toute nouvelle connotation érotique à toute une génération d’hommes et de femmes concernant n’importe quelle partie du corps possédant un potentiel libidinal de base et qui serait dissimulée assez longtemps aux yeux de tous. Je ne sais pas toi mais cette théorie me semble tout à fait pertinente et à l’avenir, j’éviterais de me moquer de mes ancêtres qui pouvaient s’extasier à la vue d’un doigt de pied découvert.

J’ai tout de même une pensée amusée pour toute l’industrie du maquillage se trouvant en apnée financière depuis le début de la crise sanitaire. Eux, comme nous, peuvent maintenant respirer.


Merci de m'avoir lu, belle journée à toi.

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