Les masques tombent et la bouche fait un comeback
Depuis peu, les masques chirurgicaux sont tombés et les bouches esquissent une sensualité nouvelle.
As-tu remarqué que, depuis peu et avec une concomitance finalement peu surprenante, les masques chirurgicaux étaient tombés et les bouches esquissaient une sensualité nouvelle ?
Il est facile de se moquer de nos ancêtres qui, avec une fougue non dissimulée, se délectaient à la vue d’une simple cheville ou de clavicules naissantes. Nombre d’oeuvres, films, romans, photographies, nous montrent à quel point certaines parties du corps furent, jadis, considérées comme de vrais catalyseurs érotiques.
Lorsque, au début du film Les Visiteurs, nous découvrons le Roi de France aussi excité qu’un gosse la veille de Noël demander à une noble anglaise de relever sa robe progressivement de la cheville jusqu’au genou, il n’est possible, pour le téléspectateur du XXIème siècle, que d’esquisser un franc sourire tant la scène lui semble grotesque.
Il est vrai que pour nous autres, citoyens récemment promus au rang d’Homo Modernus, biberonnés aux magazines Playboy pour les anciens ou aux pornos Brazzers pour les plus juvéniles, contempler la pétulance qu’une simple cheville peut déclencher chez un homme a de quoi laisser dubitatif. À l’heure où plus grand chose ne choque, où le moindre bout de peau est destiné à se faire contempler par qui le veut, je comprends bien que chaque partie du corps ne pouvant répondre du nom (ou assimilé) de “boobs” ou “pussy” laisse indifférent n’importe quel homme du siècle normalement constitué. Nous observons ici le résultat des dernières décennies, où les femmes, marchant lascivement sur le chemin du progrès, laissèrent tomber derrière elles au rythme de leurs pas et avec négligence quelques-uns des morceaux de tissu couvrant leur épiderme.
Tant et si bien qu’aujourd’hui, nous pouvons voir des jeunes filles se balader dans la rue en crop top, la ficelle d’un string dépassant du pantalon ou encore en legging dessinant un camel toe assumé. Loin de moi l’idée de juger notre époque dans ce texte, je ne fais que poser un constat. Ce même constat qui provoque chez moi la surprise. Je me demande, en effet, comment il est possible d’être tout autant gorgé de libido que nos aïeux lorsque l’on sait que l’inaccessibilité et la dissimulation sont deux vecteurs extrêmement importants dans la naissance et l’entraînement du désir sexuel chez l’être humain.
Le masque chirurgical et toutes ses variantes nous musèlent depuis maintenant deux ans, si bien que la moitié basse des visages des personnes que l’on rencontre dans la rue ou même au travail ont tout simplement disparu de notre champ de vision. Ce simple masque à l’apparence anodine a quand même permis de soulever des questions très intéressantes dans le champ de la séduction. Pourquoi, par exemple, trouve-t-on les gens plus beaux lorsqu’ils sont masqués (une récente étude l’ayant prouvé) ? Ou est-ce qu’une personne masquée est perçue comme étant moins abordable qu’une personne au visage découvert ? À titre personnel, c’est une toute autre observation qui vint à mon esprit. Quelques jours après la décision du gouvernement de rendre optionnel le port du masque dans les lieux publics (14 mars), je me suis rendu compte que les bouches féminines (je vous présente mes excuses quant à mon observation incomplète, j’écris ici à travers le prisme d’un homme hétérosexuel, il serait intéressant d’obtenir le témoignage de femmes ou de personnes homosexuelles) revêtaient un caractère différent qu’à l’accoutumée.
Je n’ai pas réussi, d’abord, à identifier ce qui clochait chez ces femmes me parlant dorénavant à lèvres découvertes, et puis j’ai compris. Ce bout de tissu bleu avait, depuis plus de deux ans et de façon consistante, caché à mes yeux un organe habituellement on ne peut plus remarquable. Ainsi dissimulé puis révélé, la bouche des femmes s’était tout à coup dotée d’une force érotico-sensuelle plus intense mais aussi plus subtile que jamais. Qu’on soit bien clair, les lèvres ont, de tout temps, revêtu chez les hommes comme chez les femmes une symbolique libidinale particulière. Plus que tout autre partie du visage, c’est la bouche qui est la plus chargée sexuellement et l’avoir masquée n’a fait qu’exacerber son potentiel érotique basal. Ainsi, malgré mes efforts, je n’ai pas réussi à faire naître chez moi la même attirance érotique pour les nez, eux aussi fraîchement découverts. Enfin, j’ai remarqué que le rouge à lèvres, cet apparat ancestral, m’apparaissait maintenant comme quelque chose de presque original mais surtout de nettement plus séduisant qu’auparavant. En clair, depuis la tombée des masques, les lèvres des femmes et leur mise en valeur produisent sur moi un effet bien plus franc.
J’ai tout de même une pensée amusée pour toute l’industrie du maquillage se trouvant en apnée financière depuis le début de la crise sanitaire. Eux, comme nous, peuvent maintenant respirer.
Depuis peu, les masques chirurgicaux sont tombés et les bouches esquissent une sensualité nouvelle.
Le marché de la lingerie est un marché destiné aux femmes mais dont les principaux bénéficiaires sont les hommes hétérosexuels. Pourquoi ?